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HISTOIRE DE MES MUSIQUES CONCRETES, 6. Le ciel tremble (1970) et autres premiers essais

3 août 2022

Dans un ancien agenda, à la date du 25 janvier 1969, je lis: « deuxième séance de musique concrète avec les enfants et Mireille ». C'est donc en janvier de cette année que j'ai réalisé ma toute première pièce de « musique électroacoustique », avec de modestes moyens personnels. Comme je l'ai raconté dans le Dictionnaire Subjectif de l'Alphabet du 28 novembre 2021, à la lettre M, c'est à l'instigation divinatoire, on peut le dire, de mon amie Mireille Mayereau (1931-2016) que j'ai franchi ce pas, que je n'aurais jamais imaginé franchir sans son encouragement, vers une musique fixée mais non écrite, composée mais non instrumentale, la musique concrète - moi qui, ayant appris l'harmonie et le contrepoint, et ayant même étudié le système sériel (grâce notamment aux écrits de René Leibowitz, ainsi qu'aux séances d'analyse de notre professeur d'harmonie Claude Bass, à Versailles) ne me décidais pas à écrire des partitions, sauf de brefs morceaux, parmi lesquels des chansons. Pourquoi ? Parce que noircir du papier à musique, je n'en sais toujours pas la raison, m'ennuie, et peut-être aussi parce que la partition, dont j'avais l'expérience comme exécutant de musiques contemporaines, m'apparaissait inadéquate pour la musique que je voulais faire. Une musique que, je le précise et n'en ai jamais démordu, je voulais faire sous forme d'oeuvres, et non d'événements, d'installations, de décors sonores ou d'improvisations.

Au fait, c'est en rouvrant mon agenda 1969 pour ce blog que je me suis aperçu que dans mes premiers pas de compositeur, je parlais déjà de « musique concrète », alors qu'on disait beaucoup plus souvent « musique expérimentale » ou « électroacoustique ». ...

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HISTOIRE DE MES MUSIQUES CONCRÈTES, 5. On n'arrête pas le regret (1975)

24 juillet 2022

Sur la photo ci-dessus, prise par Robert Cahen fin 1973 ou début 1974, on me voit avec Pascale Ebel dans la régie du studio 52 du GRM, au Centre Bourdan qui abritait le Service de la Recherche de l'ORTF. Je suis à la console de mixage, et les magnétophones – ces gros magnétophones professionnels avec lesquels j'ai tellement aimé faire de la musique - sont derrière moi et à ma gauche. Je ne sais plus à quoi je travaillais quand Robert a pris cette image: à l’œuvre dont je vais parler aujourd'hui et où l'on entend la voix de Pascale, On n'arrête pas le regret, ou à une des nombreuses émission de radio que je réalisais à l'époque, puisque la production et la création de programmes radio pour France-Culture et France-Musique était, à côté des publications du Groupe, une de mes tâches au GRM où, je le rappelle, j'avais un contrat à mi-temps. La photo été prise en longue focale depuis le studio lui-même, à travers la vitre de séparation, ce qui explique les reflets.

(Zut alors ! J'avais prévu de revenir en arrière, à mes premières œuvres de 1969-70, mais je ne m'y décide pas ; ce sera pour plus tard ; je préfère raconter aujourd'hui ce qui a suivi le Requiem). ...

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HISTOIRE DE MES MUSIQUES CONCRÈTES, 4. Le roman d'un Requiem (3/3)

10 juillet 2022

Je n'ai jamais chanté – cela m'aurait plu - dans les chœurs de ce Requiem de Verdi, qui m'avait tant impressionné au théâtre romain d'Orange en 1971 (ci-dessus quelques mesures du Libera me final), sous la direction de Carlo-Maria Giulini. Mais en 1973, lorsque je travaillais sur mon propre Requiem, je continuais à faire de la musique en groupe, comme exécutant : que ce soit dans le répertoire de la musique ancienne (je jouais de la flûte à bec et, pour les grandes occasions, du cromorne, dans l'ensemble Villanelle créé par mon ami Pierre Ginzburg, que j'avais connu à l'Université de Nanterre) ou dans celui du chant choral. En particulier au sein de l'ensemble vocal de Stéphane Caillat, et aussi d'un mini-groupe plus restreint et semi-professionnel qu'il venait de fonder, spécialisé dans la reprise et la création de partitions contemporaines « Musique Nouvelle ». Grâce à Stéphane Caillat, récemment disparu et qui était un grand découvreur, nous avons donc chanté non seulement du Bach, du Palestrina et du Mozart, comme c'était le cas partout ailleurs, mais aussi des œuvres de Dallapicola, Messiaen, Maurice Ohana, Guy Reibel, Paul Mefano, Ivo Malec, Iannis Xenakis, et même Christian Vander. Stéphane avait en effet « prêté » quelques-uns de ses choristes, dont moi, au groupe Magma pour la création à Bordeaux, devant un public aussi nombreux que turbulent, de Mekanïk Destruktïw Kommandöh. C'était le 25 novembre 1972. Tous revêtus, les hommes comme les femmes, de tee-shirts noirs à manche longue marqués sur la poitrine de la célèbre griffe rouge (je regrette bien d'avoir perdu ce souvenir lors d'un déménagement), nous y chantions, en nous dandinant en mesure, un texte scandé en langue « kobaïenne » sur des rythmes obstinés à la Carl Orff.

Tout cela a très bien complété les études d'écriture que j'avais suivies au Conservatoire, en me donnant une expérience variée, non seulement de la dynamique des groupes musicaux et de la pratique concrète de l'interprétation, mais aussi des illusions de la notation. Lorsque par exemple Iannis Xenakis écrit en tiers de ton, en créant pour cela un symbole spécifique, un passage chanté de sa musique de scène pour l'Orestie d'Eschyle, et que Stéphane, lors de l'enregistrement de cette œuvre pour Erato dans le courant de l'automne 1969, le prévient très franchement que nous n'avons pas la technique pour y arriver, Xenakis lui répond – j'étais là, je m'en souviens - que nous n'avons qu'à chanter des demi-tons un peu faux. Le disque qui en est sorti, et qui n'a pas été réédité en CD à ma connaissance, peut s'acheter sur le site Discogs, et vous y entendrez nos faux tiers-de-ton. ...

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