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À la recherche de la lettre, chapitre cinq

22 juin 2025

Ce Grand Canyon, où se déroule la dernière scène de Thelma & Louise (dont je parlais au début de cette mini-série), Anne-Marie et moi l'avons vu de nos yeux, en 1990, lors d'un voyage Eastcoast/Westcoast  par voie de terre, de New York à San Francisco. Une traversée des USA effectuée en alternant les trains de nuit Amtrak (remarquables par leur lenteur) et des voitures de location qu'Anne-Marie conduisait, car je n'ai pas mon permis. Entre Denver, Colorado, et Salt Lake City, Utah, nous sommes passés par des sites tels qu'Arch Monument, Monument Valley, Bryce Canyon, etc... et ici le Grand Canyon. En face de cette merveille de la nature où se lit l'ancienneté de la Terre et l'immensité de ses bouleversements géologiques, le sentiment dominant que j'ai éprouvé n'est pas de l'extase, plutôt de la terreur. Pas une terreur sacrée, je précise, rien de transcendant, une terreur pure, un accablement. Comme si j'avais été propulsé dans l'espace vide, privé d'espoir et de foi.

Olivier Messiaen, à la même place (il avait visité ces sites, qui lui ont inspiré sa belle suite Des Canyons aux étoiles) y avait reconnu la présence de son Dieu. Tarkovski, dans son Journal, ne comprend pas pourquoi les Américains y installent des Mac Donalds et des stations d'essence, plutôt que des temples. Moi, je n'éprouvais qu'une envie : fuir cette place pour les villes, sans pour autant refouler les sentiments qu'elle m'avait inspirés ou plutôt confirmés: la plus grande partie de la Terre n'est pas faite pour les hommes, si ceux-ci n'y amènent pas tout ce qui la leur rend habitable. Un poète français avait su l'exprimer, dans des vers que je savais par cœur : « Ne me laisse jamais seul avec la Nature / Car je la connais trop pour n'en pas avoir peur. ». Heureusement, je n'étais pas seul. ...

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À la recherche de la lettre, chapitre quatre

15 juin 2025

Dans Superman III, réalisé en 1983 par Richard Lester, le super-héros volant, sous l'effet corrupteur d'une Kryptonite de synthèse qu'on lui a fait absorber et qui le rend méchant, utilise sa force d'extra-terrestre pour effectuer des actions perverses : l'une de celles-ci (c'est d'ailleurs la seule scène que je me rappelle du film, que j'ai envie de revoir car j'aime la série, et notamment l'interprète du rôle Christopher Reeve, unique par son mélange de gigantisme et d'humanité sensible) consiste à redresser par la seule force de ses muscles la Tour de Pise, faisant le désespoir des marchands de souvenirs dont l'un le maudit par le terme de stronzo

(« connard »). Heureusement, vers la fin du film, rendu à sa véritable nature, Superman/Clark Kent lui redonnera l'inclinaison qui l'a rendue mondialement célèbre. ...

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À la recherche de la lettre, chapitre trois

8 juin 2025

Il n'est peut-être pas de réalisateurs sur lequel on ait autant écrit de leur vivant, avant même leurs 60 ans, que David Lynch, décédé récemment ; l'essai que je lui ai consacré, publié en 1992 par les éditions des Cahiers du Cinéma, et réactualisé trois fois (la dernière en 2007), n'a été que le premier d'une vaste série d'ouvrages, gloses et monographies en toutes langues, en attendant des biographies que certains attendent et espèrent croustillantes. Quant à un de mes derniers papiers comme critique  – un texte élogieux, malgré les réserves qu'il contient -  dans le mensuel des  Cahiers du Cinéma, avant que je n'en quitte le comité de rédaction, il avait été précisément consacré à Blue Velvet pour sa sortie française.  Plus facile à trouver que mon livre, non réédité, cet article se trouve en ligne (hhtp://lefrance.ntic.fr/fiches/bluevelvet.pdf), et on s'étonne parfois auprès de moi qu'il paraisse avoir été trop peu enthousiaste.

Ne vous fiez pas tout de même pas aveuglément à Internet : un papier ultérieur de Nicolas Saada dans la même revue, très hostile au film palmé à Cannes, Sailor et Lula, 1990, - œuvre que j'adore – m'est attribué faussement dans la revue Décadrages par un chercheur peu soucieux de se relire, alors même que celui-ci prétend travailler scientifiquement sur la «réception» des films. Ce genre de travaux a posteriori adopte souvent une position pratique et surplombante pour s'ériger en redresseur de torts du passé, mais expose à commettre des «anachronismes» moraux et historiques, du style « comment, à telle et telle époque, n'avait-on pas-vu que ».... ...

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