Blog

HISTOIRE DE MES MUSIQUES CONCRÈTES, 18. LA MESSE DE TERRE, 1991-96

22 janvier 2023

Pour illustrer l'article attentif, médité et profond qu'il consacrait en 2016 à ma Messe de terre, article qu'a publié la revue Circuit, le compositeur Pierre-Yves Macé avait eu soin de mettre « au propre » un graphique formel que j'avais dessiné à main levée deux ans plus tôt : tracé au marqueur sur un tableau blanc, il me servait à expliquer l'architecture de cette pièce de 2h30, dans le documentaire que Jérôme Bloch réalisa en guise de bonus pour l'édition DVD de la Messe, en 2014 (ce DVD, édité par Motus, a obtenu un Coup de cœur de l'Académie Charles Cros, dont je suis très fier). Un documentaire où j'avais choisi de ne parler que de la forme de l'œuvre, pas de son contenu ni de ses intentions, ni des techniques employées... Jérôme, à cette occasion, prit l'initiative d'enrichir mes explications avec toutes sortes d'idées visuelles qui les ont rendus beaucoup plus claires. J'envisage de mettre son film sur Youtube, mais après l'avoir fait sous-titrer en anglais.

Quand je regarde donc mon tableau redessiné par Pierre-Yves, il me fait penser au « skyline » d'une ville moderne, avec ses gratte-ciels. La durée globale de l'ensemble, avec la succession de 14 épisodes aérée par un bref entracte, est en effet figurée en abscisse, horizontalement (cela faisait longtemps que je n'avais plus utilisé ce mot d'abscisse), tandis que la durée propre à chaque mouvement ou épisode, ainsi que son caractère continu ou discontinu (subdivisé), sont indiqués verticalement, en ordonnée. Ainsi, l'on voit tout de suite que les deux buildings les plus hauts correspondent au Gloria et au Credo de part et d'autre de l'entracte, et sur tout l'ensemble, le jeu de symétrie et d'équilibre entre les deux parties. De symboliser le temps à la fois verticalement et horizontalement, comme sur un agenda semainier, donne l'illusion plaisante que le temps n'existe pas seulement sur une ligne, mais aussi comme dimension de construction. On voit également synoptiquement que les mouvements correspondant à l'ordinaire d'une messe (dont le titre est en gras) sont séparés par des interludes dans la première partie, et finissent par s'enchaîner dans la seconde. Cette forme se rencontre dans plusieurs de mes œuvres longues : on la trouvait déjà dans La Tentation de saint Antoine (voir les chapitres 11 ...

lire la suite

HISTOIRE DE MES MUSIQUES CONCRÈTES, 17. CREDO MAMBO, 1992, GLORIA, 1994

15 janvier 2023

Pourquoi un chat dans cet épisode de l'histoire de mes musiques concrètes qui va être consacré au Credo Mambo de 1992, ainsi qu'au Gloria, réalisé deux ans plus tard ? Parce qu'il y avait un chat blanc, de race angora, dans la maison d'Ohain (Belgique) où Annette Vande Gorne avait financé et installé un studio « avec magnétophones », lorsqu'à son invitation j'y suis venu composer mon Credo, qui lui est dédié. Ce chat avait porte ouverte dans le studio, et il lui arrivait de venir s'y installer et de se tenir sur une table pendant que j'y travaillais pour regarder, intrigué, la bande magnétique se déroulant et se réenroulant.

Quant à celui que vous voyez ci-dessus, l'image en est tirée du film de Stephen Sommers, The Mummy, 1999, avec Brendan Fraser et Rachel Weisz ; je ne sais plus quel rôle il joue dans l'action, à part de fournir une scène où il marche avec beaucoup de précautions sur un clavier de piano à queue. Des précautions qui me rappellent le ton hésitant, entre conviction et doutes, que j'ai volontairement donné à mon Credo, première pierre d'une longue Messe réalisée entre 1992 et 2000, en deux versions, la Messe de terre, et la Missa Obscura. ...

lire la suite

HISTOIRE DE MES MUSIQUES CONCRÈTES, 16. VINGT-QUATRE PRÉLUDES À LA VIE, 1989-90, CRAYONNÉS FERROVIAIRES, 1991-92

8 janvier 2023

Prise par Anne-Marie en 1989 lors des vacances d'été que nous avions passées chez mon père et sa femme à Riunoguès (Pyrénées-Orientales), voici une photo qui explique d'elle-même, à mes yeux, pourquoi l'idée d'une musique concrète en direct, ou bien la divulgation systématique de « photos de tournages sonores » ne conviennent pas à ma façon d'envisager le genre : c'est parce que la vision des causes des sons rend, dans ce domaine, tout ce qu'on entend anecdotique et réducteur. Quel intérêt cela-a-t-il de savoir que telle série de chocs qui figure, parmi bien d'autres sons, dans un de mes Préludes composés entre 1989 et 1991, est issue de ce qu'on me voit ici faire, à savoir taper avec une paire d'écrans solaires sur une canette vide de Schweppes Indian Tonic posée sur une citerne à gaz – celle-ci donnant à ces chocs une résonance de cave ? Ou de voir que le micro stéréophonique est posé horizontalement devant l'ouverture de la canette, et relié par un fil au Walkman Pro de Sony visible sur la droite ? Ou encore de mettre en évidence que, pour une fois, je vérifiais simultanément au casque le son que je produisais ?

Profitez donc de cette image : c'est presque la seule, et je n'ai pas cherché à en avoir beaucoup du même type. En même temps cette photo reste, pour Anne-Marie et moi, une petite madeleine de Proust, à usage personnel. Elle réveille les souvenirs de journées très agréables, dans le cadre isolé en même temps que confortable qu'Hélène et René Chion s'étaient créés, en se faisant construire vers 1971 une maison sans étage et tout en longueur, avec une annexe pour les invités, où on pouvait se séparer pendant la journée, vivre chacun sa vie à son rythme, travailler si l'on voulait (combien de pages de mes premiers livres ou de mes articles ai-je écrites dans le calme de Riunoguès !) et se retrouver à la table du repas ou devant la télévision, à discuter films, politique, etc. ...

lire la suite