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CINQ FOIS DEUX MOTS, 1. Plainte et Colère

10 septembre 2023

C'est beau, et assez rare, un titre avec des virgules à l'intérieur. « La plainte, au loin, d'un faune... ». Ce que vous voyez est le début de la très belle pièce pour piano que Paul Dukas écrivit sous ce titre, en 1920, pour participer à un hommage à Claude Debussy, deux ans après la disparition de ce génie (mort à 55 ans, d'un cancer qui l'avait fait beaucoup souffrir). Le faune, c'est évidemment une allusion à l'une des plus belles musiques du monde, le Prélude qu'avait composé Debussy en 1894, sous l'inspiration du poème-monologue de Mallarmé, L'après-midi d'un faune. Pourtant, cette œuvre ne m'a pas plu tout de suite. Chez ma mère, dans la douzaine de disques classiques qu'elle possédait à Nogent-sur-Oise, elle se trouvait au dos d'un 25cm dont l'œuvre-vedette était L'Apprenti sorcier, de Dukas précisément, une œuvre qu'on offrait aux enfants car la musique y est soutenue par une histoire à raconter (elle a inspiré à Walt Disney un épisode de son Fantasia). Moins spectaculaire, le Prélude à l'après-midi d'un faune me semblait une œuvre languide et paresseuse. J'ai mis du temps à en découvrir la beauté. Et je n'oublie pas cette leçon d'harmonie que dans les années 60 notre professeur du Conservatoire de Versailles, Claude Bass, avait prolongée pour le plaisir, ô combien partagé, de nous expliquer la pièce et sa forme.

Debussy avait, cela a été souvent dit, lui-même une tête faunesque. Cela ne m'a donc pas étonné d'apprendre que, dans un téléfilm consacré en 1965 par le britannique Ken Russell à la vie du compositeur – un film inédit en France, mon pays, dont je me plains qu'il n'honore pas suffisamment ses musiciens - , il soit incarné par le puissant et sensuel Oliver Reed, avec ses narines dilatées. J'ai pensé que ce film était peut-être visible en entier sur Youtube – après tout, nous sommes en 2023 - et de fait il l'est, dans une bonne copie. J'ai découvert alors que le Debussy Film de Russell est un film carrément érotique, de cet érotisme enjoué et solaire des années 60. ...

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CINQ PETITS MANIFESTES, 5. Pour l'œuvre musicale, avec un prix à payer

4 juin 2023

Voici comment, dans la nouvelle édition de La Musique au cinéma, sortie en 2019 chez Fayard, je commente cette scène de

La Mort aux trousses, 1959, de Hitchcock : ...

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CINQ PETITS MANIFESTES, 4. Manifeste vocabulariste

28 mai 2023

Un des avantages de l'édition des films en DVD (un support qui a aussi ses inconvénients), c'est la possibilité, pour les films américains, d'afficher les sous-titres destinés aux « hearing impaired », et ainsi de mieux suivre le texte littéral des dialogues prononcés. Ces sous-titres servent aussi à nommer, comme dans l'image ci-dessus (tirée du film de Stephen Sommers The Mummy, 1999), les sons qu'on y entend, dans ce cas le craquement inquiétant de l'échelle sur laquelle Rachel Weisz est juchée, au risque de tout faire s'écrouler (et l'image d'un amas de livres qui s'écroulent est chère au cinéma). C'est ainsi que dans les films américains, on peut lire de temps à autre au bas de l'image des mots en capitales comme PANTING

(halètement), RUSTLING (bruissement), HISSING (sifflement) et autres RUMBLING, THUDS et BANGING, ainsi que, pour les poursuites en voiture, des SIREN BLARING et des TIRES SCREECHING... ...

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