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SANS VISIBILITÉ - CHAPITRE 4

15 novembre 2020

L'ULTIME COMPLOT

Paradjanov / Abachidze / Simone / Lynch / Nusrah Fateh Ali Khan / Robbins / Rimbaud / Brown / da Vinci / Freud / Jensen / Tati / Kubrick / Peranson / Polanski / Meyssan / ben Laden / Scott

Que voyez-vous ci-dessus ? Un minaret, donc une allusion aux assassinats commis à nouveau par des fanatiques se réclamant du Coran ? Non, rien à voir, le film est de 1985 et il raconte une histoire géorgienne ancienne. Si vous n'avez vu que ça, c'est que vous êtes, comme moi-même je le suis souvent, pris dans l'actualitaire, mot qu'il m'est facile de forger sur le modèle d'identitaire ou de totalitaire, sans oublier déficitaire ou sécuritaire. Ces dernières semaines, j'ai trouvé en effet que  les programmes des radios nationales culturelles ont été un peu trop actualitaires, c'est-à-dire trop dictés par ce qu'on appelle l'actualité. A une journée spécial Halloween succédait la programmation massive, sur plusieurs jours, de musiques de concert des États-Unis (élection présidentielle), et il y a eu aussi une journée laïcité, et d'autres encore, le moindre prétexte étant le cinquantième anniversaire de la mort d'un chef d'orchestre. Je dis que ce n'est pas nécessaire : y a t-il besoin d'un prétexte pour faire entendre de la musique des USA ?

Si vous revenez à l'image ci-dessus et voulez la mettre en mouvement, ce à quoi elle invite, il vous faudra visionner, comme nous l'avons récemment fait, le film extraordinairement beau de Sergueï Paradjanov et Dodo Abachidze, La légende de la Forteresse de Souram. Arrivé à ce moment, qui se situe à 28'25'' environ du début, vous verrez l'acrobate sur un fil tourner à toute vitesse autour de celui-ci, tenu par des chaussures spéciales, et au second plan ce prêcheur (me semble-t-il) qui d'un minaret appelle à la prière. C'est surprenant et très beau. Il ne s'agit pas forcément d'une image-symbole, d'une image-emblème. Dans l'histoire, le muezzin renvoie à la présence de la religion musulmane dans ce qui deviendra une partie de l'actuelle Géorgie.

La religion musulmane a inspiré des édifices d'une beauté surprenante. Et pas seulement des mosquées: quand je réfléchis à ce que j'ai entendu de plus beau qui ait été vocalement inspiré par une ferveur religieuse, je pense non seulement à certains gospels (telle la version de Sinner Man qu'on entend chanter par Nina Simone à la fin de INLAND EMPIRE, de Lynch),  mais aussi à la voix extraordinaire de Nusrah Fateh Ali Khan, ce chanteur soufiste que le film de Tim Robbins Dead Man Walking m'a révélé, comme il l'a révélé à beaucoup de gens. Oui, la beauté des créations dues à la ferveur religieuse appartient, comme les autres formes de beauté, à l'humanité ; il ne faut pas oublier de l'entendre, de la voir. Elle n'est jamais actualitaire, elle n'est pas une fuite devant le présent. Comme l'écrit Rimbaud dans Une saison en enfer : « cela s'est passé ; je sais aujourd'hui saluer la beauté.»

L'EFFET DA VINCI CODE

Lorsqu'est sorti en 2003 le thriller sans prétention de Dan Brown Da Vinci Code, qui fut un succès incroyable, la contemplation des tableaux du grand peintre s'est chez certains focalisée, non sur leur beauté, mais sur la recherche d'un code caché. Caché bien sûr par les Illuminati (si vous ne savez pas ce que c'est, Internet vous est ouvert). A la suite de ce triomphe, pendant trois à quatre ans, certains des étudiants auxquels je présentais des extraits de films, lorsque j'étais chargé de cours à Paris III, ont été temporairement – je l'espère pour eux – affectés par le virus de la recherche immédiate d'un code caché. Avant d'observer, ils se dépêchaient d'interpréter « symboliquement », et le fait que je retarde le moment de l'interprétation, pour les inviter à l'observation, les frustrait. Certes, Freud ne s'est pas privé de fabuler, si l'on peut dire, sur Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, comme sur la Gradiva de Jensen, mais c'était dans le cadre de sa recherche et au terme d'une longue implication personnelle. Moi-même, je ne me suis pas privé d' « interpréter » Tati ou Kubrick dans mes livres, mais ce n'est pas sans avoir longtemps observé leurs films puis laissé flotter et se dérouler leurs signifiants, de sorte que même si l'on ne partage pas mes interprétations projectives dites « délirantes » (celle que je propose sur Eyes Wide Shut comme étant “told from the point of view of a male individual conceived in a sexual act between the two main characters which takes place after the end of the film.” n'a pas laissé indifférent Mark Peranson, le critique du Village Voice, qui s'en moque dans le n° du 25 février 2003, mais au moins celui-là m'a-t-il lu !), on aura mieux observé leurs films, on aura pu remarquer toutes sortes de choses et se confronter, j'espère, à un certain nombre de questions, et trouvé soi-même plus qu'on ne croyait trouver.

Eyes Wide Shut met en scène une sorte de secte, mais comme dans maint film de Polanski, Kubrick y montre bien qu'une secte n'est qu'une réunion de gens dont certains sont masqués ou conspirationnistes, et qui développent autour d'eux une atmosphère à leur image.

Parfois, la réalité semble donner matière à une vision conspirationniste plus large, étendue à la planète, et qui se prend au sérieux.  En 2002, on avait eu sur l' « effroyable imposture », sic, du 11 septembre 2001, le livre à succès, largement traduit, d'un homme qui depuis s'est logiquement rapproché du Hezbollah et des anti-sémites, après avoir imputé l'attaque sur les deux tours à, je cite, une « faction du complexe militaro-industriel des États-Unis ». A l'époque, des amis parisiens, par ailleurs cultivés et informés, lecteurs du Monde, nullement anti-sémites mais très anti-américains, m'affirmaient, avant même la sortie du pamphlet de Meyssan, que tout ça n'était pas clair et qu'on n'avait jamais entendu parler d'Oussama ben Laden, qui probablement n'existait pas (alors que moi, je connaissais déjà son existence... grâce il est vrai, à un plan du film de Ridley Scott Hannibal, tourné en 2000, où il figure aux côtés du fictif Hannibal Lecter dans une galerie d'ennemis publics particulièrement recherchés). Récemment, il y a ce documentaire Hold Up, que je n'ai pas vu, mais qui semble du même acabit, autour du mystérieux virus.

Ce que j'ai lu au sujet de ce film me semble à vrai dire attester d'une interprétation peu probante des « inconséquences » dans une histoire en cours hélas trop réelle (car des inconséquences qui ne devraient rien à une conspiration cachée, il n'y en a jamais, n'est-ce pas, aussi bien dans l'histoire que dans la vie de chacun !). Moi, plutôt que cette histoire de complot d'une élite mondialiste contre les pauvres et les sans-pouvoir, je vous révèle ici, dans ce modeste blog, la vérité, bien plus vraisemblable, sur l'ultime complot derrière tout ce qui est train de se passer. En fait, cette pandémie est... un coup d'un groupement secret d'écolo-terroristes, plus durs que ceux d'ELF et qui, en mettant en circulation le virus, ont voulu nous donner une leçon : des avions qui ne volent plus, des trains qui ne roulent plus, la redécouverte d'une économie locale, etc... Vous me direz que c'est à un drôle de prix. Oui, mais c'est que les apprentis-sorciers ont été dépassés par ce qu'ils avaient déclenché. Etc, etc. Tout cela fait sens. On ne risque pas, à ce jeu, de ne pas avoir réponse à tout.

Mais en allant plus loin, l'ultime conspiration, l'ultime complot concernent en réalité individuellement chacune et chacun d'entre nous : il nous a fallu en effet à chacune et chacun, pour naître et vivre – c'est ce que j'ai voulu révéler, à mes risques et périls, dans mon livre sur Eyes Wide Shut – plusieurs milliards de conditions qui se sont succédées depuis le Big Bang : certaines de ces conditions sont communes à toute l'espèce, d'autres sont particulières et nous font unique au monde. Étrange, n'est-ce pas ? N'y a-t-il pas là quelque chose qui ressemble à une finalité ? Les nombreux films de voyage en arrière dans le temps, et où un héros généralement masculin se démène pour restaurer les conditions de sa naissance, n'en sont-ils pas l'illustration ? Oui, du fait d'être né(e)s, nous ne pouvons pas ne pas être finalistes et ne pas croire, sinon à une téléologie, du moins à une téléonomie (voir mon blog n°4), donc à une sorte de chaîne mystérieuse. Mais prudence, car...