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ENTRE DEUX IMAGES n°51

5 février 2017

VIVRE AVEC DES ACOUPHÈNES : DE TINNITU AURIS

Svankmajer / Littré / Aristote / Pline l'Ancien / Galien / Avicenne / Rousseau / Céline / Pennac / Flaubert / Mauriac / Genette / Marker

Le court-métrage du réalisateur tchèque Jan Svankmajer Obscurité, Lumière, Obscurité, 1989, est à mon avis un chef-d'œuvre du cinéma tout court, et pas seulement du cinéma d'animation. On y voit un corps masculin, confiné dans une seule pièce, se constituer peu à peu à partir d'organes qui lui arrivent en désordre : c'est pourquoi ici une paire d'yeux fixée au bout d'une main droite considère une paire d'oreilles (ou plutôt de "pavillons", seule partie visible extérieurement de l'organe) qu'elle vient d'attraper au vol tel un papillon, en se demandant peut-être à quoi ça peut servir. Un choix paradoxal, mais amusant et poétique, pour aborder une perception acoustique dans laquelle ni les pavillons, ni les bouchons d'oreille n'interviennent en rien, et que je connais bien par mon propre cas, j'ai nommé l'acouphène.

BOURDONNEMENT ET SIFFLEMENT

"Acouphène" se dit en anglais - mais aussi en allemand - "Tinnitus" (terme venant du latin, comme "acouphène" vient du grec). Cela vous permettra de trouver vite, à côté du site de l'association France-Acouphène et du site québécois équivalent, des sites anglophones ou germanophones sur le sujet, dont certains, en plus de témoignages et d'informations, proposent de vous en débarrasser par différentes méthodes.

Je n'ai aucun jugement à porter sur celles-ci, car je n'en ai essayé aucune, me disant que dans mon cas il me fallait apprendre à vivre avec (douze ans déjà...) . D'autres m'ont parlé de techniques qui les avaient aidés, voire de cas où l'acouphène avait cessé soit de lui-même, soit suite à un traitement neutralisant (écoute prolongée au casque de certains sons, etc.)

Dans le vieux dictionnaire de Littré, on trouve au mot acouphène :Terme de médecine : bourdonnement d’oreilles, bourdonnement qui dépend soit du battement des artères, soit de l’introduction de l’air par le conduit auditif rétréci, soit enfin d’une disposition particulière du nerf acoustique.”

Le terme de "bourdonnement d'oreille" m'a longtemps fait croire, avant d'en avoir l'expérience, qu'il s'agissait de sons plutôt graves. Les miens sont stridents, suraigus et pulsatiles (voir plus bas). Je n'y prête plus attention sauf quand j'en parle ou dans certains moments consécutifs à une agitation physique, ou une exposition à des sons forts - mais cette conscience que je retrouve est heureusement devenue presque toujours tranquille, et dénuée d'appréhension et d'affect.

Parler à autrui de ses acouphènes dès que ceux-ci apparaissent est une bonne démarche, à condition que les autres ne tournent pas en ridicule la détresse qu'ils font ressentir, en tout cas au début. Cela parce que d'une part, c'est bien de dire et de décrire sa souffrance, et d'autre part, on s'aperçoit que d'autres en ont aussi (entre 10 et 15% de la population, paraît-il) mais hésitent souvent à en parler, de crainte que leur souffrance ne soit pas prise au sérieux.

ANTHOLOGIE D'ACOUPHÈNES

On peut aussi aller voir dans l'histoire et la littérature. Mais par définition, ces allusions sont souvent dramatiques, puisqu'elles concernent en général le moment d'apparition du phénomène, non le "vivre avec" par la suite.

Les références aux bruits d'oreilles sont anciennes : Aristote en parle dans les Problèmes, et Pline l'Ancien, le fameux auteur de l'Histoire naturelle, mort en 79 après J-C lors de l'éruption du Vésuve (mais pas de celle-ci, croit-on savoir aujourd'hui) l'évoque aussi, en suggérant une médecine à base d'herbe, comme plus tard les docteurs Galien et Avicenne. 

De mon Livre des sons en cours dont je parle dans le blog précédent, j'extrais des citations plus récentes que j'ai récoltées sur le sujet. Par exemple dans ses Confessions, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) raconte le jour où cela a démarré pour lui :

“Un matin que je n’étais pas plus mal qu’à l’ordinaire, en dressant une petite table sur son pied, je sentis dans tout mon corps une révolution subite et presque inconcevable. Je ne saurais mieux la comparer qu’à une espèce de tempête qui s’éleva dans mon sang et gagna dans l’instant tous mes membres. Mes artères se mirent à battre d’une si grande force que, non seulement je sentais leur battement, mais que je l’entendais même, et surtout celui des carotides. Un grand bruit d’oreilles se joignit à cela, et ce bruit était triple ou quadruple, savoir : un bourdonnement grave et sourd, un murmure plus clair comme d’une eau courante, un sifflement très aigu, et le battement que je viens de dire, et dont je pouvais aisément compter les coups sans me tâter le pouls ni toucher mon corps de mes mains. Ce bruit interne était si grand, qu’il m’ôta la finesse d’ouïe que j’avais auparavant, et me rendit, non tout à fait sourd, mais dur d’oreille, comme je le suis depuis ce temps-là. (...) Mes bourdonnements (...) depuis ce temps-là, c’est-à-dire depuis trente ans, ne m’ont pas quitté une minute.(...)

J’étais importuné de ce bruit, mais je n’en souffrais pas : il n’était accompagné d’aucune autre incommodité habituelle que de l’insomnie durant les nuits.”

(J-J Rousseau, Les Confessions, Livre VI)

Je précise qu'on peut avoir des acouphènes et ne pas être "dur d'oreille" : mon audition, que j'ai vérifiée, est bonne pour un individu de mon âge.

Louis-Ferdinand Céline en a eu, dans son cas certainement consécutifs à la guerre de 14-18, et il les prête à plusieurs personnages ou alter-egos de ses livres. Par exemple dans le Voyage au bout de la nuit :

“Ses bruits dans l’oreille (...) n’arrêtaient pas. A force d’y penser, de les écouter ces bruits, il s’était dit qu’ils l’empêcheraient de dormir ces bruits abominables. Et il les écoutait en effet, au lieu de dormir, des sifflets, des tambours, des ronrons... C’était un nouveau supplice. Il s’en occupait toute la journée et toute la nuit. Il avait tous les bruits en lui. (...)

(Sa femme) n’avait jamais essayé de comprendre ce qu’il voulait dire, ni imaginer ce qui le turlupinait avec ses malaises d’oreilles. “Tu m’entends bien pourtant !” qu’elle lui demandait.

- Oui, qu’il lui répondait.

- Eh bien, ça va alors !... Tu ferais mieux de penser à ta mère, qui nous coûte si cher.” (L-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 227)

Dans son roman Journal d'un corps, paru en 2012 et dont je ne connais pas la part d'autobiographie, Daniel Pennac évoque le jour d'avril où son personnage en est atteint à l'âge de 48 ans

"Réveillé tôt ce matin par un sifflement assez pareil à celui d'une cocotte-minute oubliée sur le feu. J'ai pensé que cela venait de dehors et me suis rendormi. Nouveau réveil une heure plus tard. Toujours le même sifflement. Aigu, continu, une buse, un sifflet à vapeur, quelque chose comme ça. (...) Je me lève, ouvre la fenêtre, écoute la rue. En effet, le sifflement est dans la rue. Je referme la fenêtre, le sifflement demeure ! Même intensité. (...) Je vais à la cuisine préparer le café, j'y retrouve le sifflement, toujours sans pouvoir en déterminer la source. Je vérifie le branchement du gaz, la veilleuse du chauffe-eau, l'étanchéité des fenêtres... Sur le chemin de notre chambre, la cafetière à la main, j'ouvre la porte du palier : il est là comme partout ailleurs, d'une constance entêtante, un trait tiré à la règle entre mes deux oreilles. Alors, je le reconnais. C'est un de ces sifflements que j'entends parfois dans ma tête à la fin des repas. (....) Deux ou trois secondes d'imagination folle : et si cela durait toujours ? L'idée d'entendre ce son toute ma vie, sans pouvoir le couper ni le moduler, est parfaitement terrorisante. Ça va passer, dit Mona.

Et en effet ça passe : le boucan de la rue, les chuintements du métro, le brouhaha des couloirs, les conversations de travail, la sonnerie du téléphone, les négociations qui s'ensuivent, les protestations de Parmentier, les litanies d'Annabelle (...) toute cette rumeur citadine et professionnelle a eu raison de mon étoile filante, elle s'y est désintégrée.

Mais quand la porte de l'appartement s'est refermée sur moi, ce soir (...), le sifflement était là, tendu entre mes deux oreilles, rigoureusement pareil à ce qu'il était ce matin. La vérité est qu'il ne m'a pas quitté de la journée. Il a juste été couvert par les rumeurs de la vie publique." (Daniel Pennac, Journal d'un corps, p. 246-47)

Le narrateur va voir un ORL, qui lui apprend qu'il s'agit d'un acouphène, avec cinquante pour cent de chances que celui-ci soit permanent, mais aussi lui prétend que cinquante pour cent des acouphéniques se suicident ! :

"Nuit blanche, évidemment. Une chance sur deux d'avoir un acouphène définitif, autrement dit une radio ouverte en permanence dans la tête, dont le programme unique produit chez moi un sifflement continu, chez d'autres unhululement, chez d'autres du tam-tam, chez d'autres des carillons, des castagnettes ou de l'ukulélé. Il ne me reste qu'à patienter." (id. p. 248)

Heureusement, le héros consulte ensuite un neuropsychiatre plus sensé, qui lui dit que les acouphènes permanents sont très répandus, qu'il est faux que cinquante pour cent se suicident, et que son cerveau va s'y faire. C'est vrai dans mon cas et d'autres que je connais, dont ceux d'amis proches. Mais je reconnais que ce n'est pas la même chose de se réveiller un matin avec des acouphènes quand on est plus jeune, par exemple à quinze, vingt, quarante ans ou plus.

Je vous épargne donc des citations (Flaubert, Kawabata, Mauriac) concernant des bruits d'oreille liés à la surdité chez les gens âgés, et préfère terminer par l'évocation sereine faite par Gérard Genette de ses acouphènes. C'est dans son recueil Apostille, publié en 2012, donc à l'âge de 82 ans :

"Pour qui souffre d'hyper-acousie, les acouphènes qualifiés (un peu tautologiquement, puisque chacun n'entend que les siens) de "subjectifs", qui, dit-on, n'en sont nullement la conséquence, peuvent constituer un contre-feu plutôt bienvenu, quoique insuffisant : ils n'empêchent pas d'entendre les bruits extérieurs, ils s'y ajoutent, sur une fréquence distincte, si bien que vous pouvez assez facilement les mettre entre parenthèses, voire en faire totalement abstraction lorsque vous écoutez attentivement, par exemple, de la musique. Les habitués du festival d'Aix-en-Provence, des Chorégies d'Orange ou (surtout) du festival de piano de La Roque-d'Anthéron en connaissent un équivalent qu'on peut dire "objectif", qui est le chant des cigales. (....) Mes acouphènes personnels, auxquels le vilain mot "bourdonnements" ne saurait s'appliquer, imitent justement à la perfection le chant des cigales provençales (...) Mon seul regret est de ne décidément pouvoir, à fins de comparaison, entendre ceux d'une tierce (pourquoi "tierce" ?) personne, ce qui ferait une assez belle preuve d'amour : comme Sévigné écrivait "J'ai mal à votre gorge", on dirait "J'entends tes acouphènes" - ou, en plus égotiste, "Entends-tu mes acouphènes ?" Cette relativement pénible incapacité illustre assez bien ce qu'on appelle, depuis (je crois) un titre du regretté Chris Marker, l' "imparfait du subjectif". Imparfait mais docile, puisque après l'avoir oublié pendant des heures, il suffit, comme maintenant, que j'y pense pour retrouver le mien, fidèle au poste." (G. Genette, Apostille, p. 65-66)

DÉCOUPLER UNE SENSATION INDOLORE D'UN AFFECT DOULOUREUX

L'acouphène a été longtemps pour moi une question abstraite, lointaine, théorique. Puis, à 58 ans, au cours d’une période de stress et de fatigue, j’ai commencé à entendre en permanence des sifflements, qui depuis n’ont pas discontinué et qui ne cesseront plus.

Un acouphène n'est pas une maladie mais il peut être un symptôme. C'est pourquoi en 2005 je me suis fait prescrire un I.R.M. du cerveau, dont il est ressorti que je n'avais rien de ce côté là. J'ai vérifié aussi qu'il ne s'agissait pas de la maladie de Ménière, parce que j'avais aucun trouble de l'équilibre. Plusieurs personnes, pour m'aider, ont évoqué des thérapies, qui tantôt pour eux ou des proches avaient marché, tantôt pas, et j'ai choisi, pour ne pas risquer d'être déçu, de "vivre avec".

Comme le dit Rousseau, la plupart du temps cette perception est indolore au niveau physique. J'ai analysé ce que je ressentais et me suis demandé pourquoi cette sensation "neutre" s'accompagnait d'une forte douleur morale, d'un affect d'humiliation, de persécution, d'injustice, mais aussi de culpabilité. Comme beaucoup de compositeurs et de travailleurs de studios, il m'était arrivé de faire des manipulations qui avaient déclenché inopinément des larsens terribles, que "j'aurais pu éviter". C'est ce qu'on se dit dans ces cas-là. Écho du "fallait pas y aller" que nous ont parfois seriné des parents ou des éducateurs. J'ai eu le sentiment qu'il fallait que cette sensation sans douleur soit nettoyée de tout sentiment de souffrance : affect qui semblait lié indissolublement aux premières manifestations, forcément paniquantes, du phénomène (sifflement = alerte, danger), et se réveillait donc chaque fois que j'en reprenais conscience, selon un réflexe purement pavlovien.

Je suis donc allé voir une psychiatre à qui j'ai exposé mon cas, et celle-ci m'a prescrit pour six mois du Deroxat, marque d'une molécule dont le nom est Paroxétine, un inhibiteur de la recapture de la sérotonine , qui me disait-elle m'aiderait à mettre à distance mes affects. Ce qui fut le cas. Il faut évidemment en contrôler la prise, et également en surveiller le sevrage, qui ne doit pas être subit.

J'avais trouvé sur Internet des récits de sevrage de la Paroxétine qui étaient terrifiants, et m'évoquaient les affres du manque d'héroïne comme on les voit dans Trainspotting (le premier, pas le Trainspotting 2 qui va sortir). Dans mon cas, ce sevrage échelonné s'est passé sans problème aucun (je précise toutefois que je prends par ailleurs, pour dormir, un anxiolytique plus léger). Aujourd'hui - c'était, je le rappelle, en 2005 - , je crois que l'on prescrit plutôt d'autres médicaments.

Il y a une grande variété d’acouphènes, et il peut s'agir parfois, comme dans le cas de Rousseau, de cocktails entre plusieurs sensations. Les miens sont doubles : une note stable dans le medium, approximativement un sol dièse (mais très faible, que je n'entends que dans des lieux extrêmement calmes), et aussi des sifflements aigus et intenses autour de 11.200 hertz ("acouphénométrie" effectuée le plus simplement du monde, en comparant avec des fréquences que me faisait entendre Geoffroy). Aigus... et pulsants.

UN TEST SUR L'INTENSITÉ DES ACOUPHÈNES

Comme l'angiologue que je suis allé consulter me le montra en me faisant entendre - et même voir par l'échographie - la pulsation de l’artère dans le cou, mon acouphène est exactement isochrone avec le rythme de cette artère. Les battements s’accélèrent et se ralentissent avec mon rythme cardiaque, et donc avec mes activités et mon état physique et nerveux. Ils sont également influençables par d’autres facteurs tels que la tension, la pression atmosphérique, l’état de stress, etc.

Or, mon battement de cœur est un rythme interne sur lequel j’ai un contrôle limité, mais réel. Je ne suis pas yogi pour pouvoir le ralentir par pure volonté, mais je peux facilement l’accélérer dans un effort physique. Une partie de la souffrance que j’éprouvais dans les débuts venait de ce que ces acouphènes m’imposaient sur une fréquence aiguë la conscience de mon rythme cardiaque, un rythme que la plupart du temps nous souhaitons oublier.

J'ai découvert aussi que je pouvais faire disparaître mes acouphènes presque complètement et à n’importe quel moment, mais à condition d’adopter une position fort incommode et impossible à conserver longtemps (et en plus ridicule, si on la prend devant quelqu'un) : la tête inclinée profondément sur le buste et le menton touchant la partie supérieure du sternum ! Là, du fait probablement d’un contact différent entre l'artère et certains nerfs, je n’entends plus les sifflements aigus. Disons plutôt que je les entends beaucoup moins, un chouïa.

Voici des sons donc qui me sont imposés mais dont je peux “jouer” ; ils me sont proposés sous une forme interactive, comme d’ailleurs la plupart des sons créés par l’environnement. Cela veut dire qu’en plus d’être responsable de ma santé et de mes maladies (maladies que je suis censé avoir les moyens de prévenir par une “vie saine”), je deviens responsable du rythme de mes acouphènes, au lieu d’être simplement voué à les subir. Dans un sens, c’est une relative libération de le savoir, mais d’un autre côté, cela pourrait être une nouvelle forme d’aliénation et une source supplémentaire de culpabilité - comme si on avait les acouphènes qu’on méritait. Je crois qu'il faut se libérer de cette culpabilité stérile.

Une autre source d'inquiétude, avec les acouphènes, est la crainte de leur évolution possible dans le sens d'un grossissement, d'un envahissement. Comme parade, mais aussi comme dispositif de surveillance devant cette peur, je me suis inventé un test personnel, qui ne marchera peut-être pas sur tout le monde.

Ayant choisi un lieu calme à une heure silencieuse, j'étends les deux bras totalement à l'horizontale et fais frotter tour à tour l'un contre l'autre le gras du pouce contre celui de l'index de la même main. Tant que je continue d'entendre de chaque côté ce bruit fin de frottement qui me sert d'étalon, je me dis que mes acouphènes ne sont pas plus forts aujourd'hui que lorsqu'ils sont apparus (mais il y a des moments de la journée où ils se déchaînent, et il faut attendre que cela passe). Il faut évidemment référer cette observation aux données qu'on possède sur son audition. Je sais depuis longtemps que j'ai un petit déficit de l'oreille gauche, et notamment une perte d'aigus : j'en tiens donc compte. La position des "deux bras à l'horizontale" m'offre la garantie que le phénomène sonore pris comme étalon (dont l'avantage est que je l'emporte avec moi et ne risque pas d'oublier mes bras) est à la même distance de chaque oreille. On peut en sourire, mais un son-étalon de puissance n'est pas si facile à trouver.

Comme beaucoup d'acouphéniques, je suis incommodé aussi par une hyperacousie : certains entrechoquements (notamment de vaisselle, ou de tasses et soucoupes de café dans les bistrots) produisent un désagrément qui cesse avec le son : il n'est pas dangereux.

Je me suis donc aperçu que je pouvais, au bout de quelques mois, mentalement scotomiser mes acouphènes, cesser d'en être conscient, de telle façon qu'ils ne fassent pas écran à mes autres perceptions sonores (en tant que musicien, c'était ma hantise). Pour faire comprendre ce que veut dire "scotomiser" dans ce cas, j'utilise souvent la bizarre analogie suivante : les voyants d'un œil (comme mon père) ou des deux voient constamment leur nez, et souvent en même temps des humeurs aqueuses, dont certaines se promènent tranquillement telles de placides méduses dans le champ de leur vision, par exemple lorsqu'ils regardent le bleu du ciel. Pourtant, presque tout le temps, ce sont des parasites visuels que nous ne "voyons pas" et qui n'affectent en rien ce que nous regardons.

Je termine ici, en précisant que ce blog n°51 ne se veut en aucun cas une minimisation ou une dramatisation du phénomène de l'acouphène : chacun a une histoire différente. Je dis donc bon courage à toutes les personnes concernées, et il ne faut pas omettre bien sûr de faire les examens au sujet des maladies dont l'acouphène pourrait être un symptôme. Si vous pouvez vous en débarrasser, c'est bien ; si vous devez vivre avec, vous pouvez. Et, au fait, merci à ceux qui m'ont souhaité bon anniversaire pour mes 70 ans.